C’est avec émotion que je photographie à l’aide de mon smartphone cette « rue » qui autrefois était pour les jeunes que nous étions, l’objet de nos joies, de nos inquiétudes et de nos besoins. Deux habitants des lieux m’observent le regard interrogateur et suspicieux. Je n’ose plus prendre de photos. Que pourrais-je leur dire ? Qu’après vingt ans d’absence en ces lieux, je suis sur les traces de mon passé alors que tout a été rasé, fauché, foudroyé comme si une bombe atomique avait irradié le paysage de mon enfance. Comme si mon passé d’enfant de quartier populaire n’avait plus lieu d’exister. Comme si ce qui s’offre à ma vue découle d’une logique évidente. Que je m’oppose violemment à tout ce changement qui ne semble pas être le centre de leur préoccupation. Toutes sensibilités confondues, je range calmement mon portable dans mon sac à main en m’éloignant de la cité comme à regret. Sous le bleu du ciel, je pénètre à pas lents dans la brillance du soleil. Mais ce qui me frappe- outre la métamorphose de cette cité -, c’est qu’en ces lieux où tout m’a inévitablement quitté, je retrouve au plus profond de moi-même cette lumière si caractéristique à cette ville. Je me souviens combien elle arrêtait mon regard émerveillé sur son génie lorsqu’elle descendait sur " l’obscure" cité dorer la « rue ». Je ne peux, celle-là, la quitter, car elle ne m’a jamais quitté.
Démolition du bâtiment 4 du quartier Pasteur (Nice, le 19 mars 2006)
RegarderTout change dans le passage du temps. Les choses changent ni pour le meilleur, ni pour le pire. Elles changent sans fin comme la roue libre s’enclenche dans le vide.